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Pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré la loi Avia contre la haine en ligne

Après plus d’un an d’épopée législative, les juges suprêmes ont clos le dossier : la loi Avia n’est pas conforme à la Constitution. Retour sur cette décision sans équivoque. 

Jeudi 18 juin, le Conseil constitutionnel a censuré la proposition de loi dite Avia qui vise à lutter contre les contenus « haineux » sur Internet -ironie du sort pour un texte épinglé à cause du risque de sur-censure. Dans les tuyaux depuis un an, le texte instaurait l’obligation pour les plates-formes de retirer en moins de 24 heures un message, une photo, une vidéo manifestement illicite, sous peine d’une amende 250 000 euros par post. Concernant les contenus pédo-pornographiques ou terroristes, le délai de retrait était raccourci à une heure seulement. Les deux dispositions sont finalement anti-constitutionnelles. Comme la quasi totalité du texte. 

Un outil jugé « trop dangereux »

« Les juges ont estimé que quelque soit la gravité du contenu, le tribut à payer pour la liberté d’expression était trop grand », décrypte Me Anne Cousin, avocate spécialisée dans le droit de la presse, d’Internet et des nouvelles technologies. « Le Conseil constitutionnel a clairement jugé que ce texte mettait trop de pouvoir dans les mains d’opérateurs techniques. Les plates-formes n’auraient pris aucun risque, et donc, auraient dû massivement censurer. »

En résumé, la décision écrit noir sur blanc : la loi Avia est « un outil trop dangereux ». Les hébergeurs ne peuvent pas remplacer les juges. « Il n’est pas possible de mettre entre les mains des géants américains le soin de régler des débats sociétaux, qui doivent avoir lieu devant une cour pendant plusieurs jours, en moins de 24 heures », poursuit-elle. « Ce n’est juridiquement pas de leur responsabilité. » 

Tous unis contre la loi

Après de nombreux rebondissements, des aller-retours entre l’Assemblée et le Sénat, des avertissements sévères de l’Europe, de nombreuses mobilisations citoyennes, c’est une véritable victoire pour tous les opposants à la loi -qui avait fait la prouesse de réunir des collectifs de défense des libertés numériques comme La Quadrature du net, des plates-formes comme Change.org… mais aussi des géants comme Google.

Et au-delà de l’univers numérique, de l’extrême droite à l’extrême gauche, l’ensemble de la classe politique s’était levée contre le texte. À la suite du vote définitif, le 13 mai, Bruno Retailleau, chef de file LR au Sénat, et 60 sénateurs avaient ainsi saisi le Conseil constitutionnel. Un camouflet pour le gouvernement, premier soutien de la proposition de loi. 

Un texte totalement caviardé

Les juges ont, malgré tout, bien spécifié que les objectifs de la loi était louables. « Tout le monde est d’accord, les contenus sales sur Internet sont dommageables. Mais la répression n’est pas la solution, a tranché le Conseil constitutionnel », analyse Me Cousin. Tout se joue « en amont », par exemple sur le volet éducation aux médias et nouvelles technologies. « Quand une image terroriste est diffusée, c’est déjà trop tard ! » 

Y-a-t-il une suite possible pour la loi Avia ? « Le texte a été complètement caviardé ! À moins d’en ré-écrire un nouveau, je ne vois vraiment pas comment il pourrait refaire surface », répond Me Cousin. Dans le détail, la majeure partie du texte a effectivement été signalée par le Conseil constitutionnel. Clap de fin ?

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Marion SIMON-RAINAUD